Cour d’appel
MONTPELLIER Chambre 1 section B
23 Juin 1999
G.A.N. CLINIQUE RECH – DEBLACHE
Contentieux Judiciaire Numéro JurisData : 1999-034103 Abstract
Responsabilité professionnelle médicale, clinique privée, fautes (oui), manquement à l’obligation de moyens, défaut de surveillance, insuffisance de moyens de surveillance, malade hospitalisée pour troubles mentaux à la suite d’une cure de désintoxication éthylique dans une autre clinique, comportement délirant ou agressif, état confusionnel, malade fumant beaucoup, tentative d’incendie la veille de l’accident, malade installée sur un lit équipé d’un matelas anti feu, malade griévement brûl’e à la suite d’un incendie déclenchée par ses agissements, intervention tardive du personnel, carbonisation du matelas avancée malgré sa composition anti feu, confirmation.

Résumé
La victime avait été hospitalisée dans la clinique privée appelante à la suite de troubles mentaux survenus à l’issue d’une cure de désintoxication éthylique dans une autre clinique. Cette malade, qui fumait beaucoup, détenait un briquet et des allumettes et elle avait déjà tenté de mettre le feu à du mobilier de sa chambre la veille de l’accident. Elle avait un comportement délirant ou agressif et présentait un état confusionnel. Ainsi, quelques jours avant l’accident, elle a tenté de se suicider en se précipitant dans l’escalier, ce qui lui a valu des soins et la pose d’attelles qui ont réduit sa mobilité. Les premiers juges retiennent justement que la clinique a failli dans l’exécution de son obligation de moyen, cet état confusionnel et agressif nécessitant, sinon une surveillance de tous les instants, du moins une vigilance nettement plus grande que celle apportée en fait. La circonstance invoquée par les appelants d’avoir installé cette malade sur un lit équipé d’un matelas anti feu, dans une chambre proche de la salle de soins, est insuffisante au regard du fait que cette malade était seule dans cette chambre, que la salle de soins n’était pas occupée en permanence par un membre du personnel soignant, qu’enfin, ce personnel ne s’est pas assuré, par une fouille à corps qu’imposait la découverte du briquet, alors que la malade venait de mettre le feu à une chaise, de ce que cette malade ne détenait pas d’autre moyen d’allumer un feu. Les circonstances mêmes dans lesquelles le personnel soignant a constaté l’incendie du lit, les très graves blessures subies par la vicitime, démontrent que leur intervention a été tardive au regard du moment auquel le feua débuté.

Décision Antérieure

Tribunal de grande instance MONTPELLIER 24 juin 1997

103. – Contrat médical et contrat d’hospitalisation – Certaines décisions ont découvert, à l’intérieur du contrat de soins, une obligation accessoire de sécurité de résultat, concernant, non pas l’acte médical proprement dit, mais tous les actes médicaux ou non qui l’accompagnent mais qui ne s’y rattachent pas directement, cette obligation de sécurité consistant à ne pas causer au malade un dommage s’ajoutant au mal pour lequel il est venu trouver le médecin (T. corr. Seine, 3 mars 1965 : JCP G 1966, II, 14582 ; Gaz. Pal. 1965, 1, jurispr. p. 354. – CA Rouen, 4 juill. 1966 : JCP G 1967, II, 15272. – V. également TGI Marseille, 3 mars 1959 : JCP G 1959, II, 11118. – TGI Paris, 11 déc. 1968 : JCP G 1969, IV, 258).
Si la Cour de cassation n’approuve pas ces solutions qui dénaturent le contrat médical (Cass. 1re civ., 29 oct. 1968 : JCP G 1969, II, 15799), elle admet cependant que le médecin promet à son malade l’utilisation normale d’appareils médicaux dont il garantit la qualité et le bon fonctionnement (Cass. 1re civ., 1er avr. 1968 : JCP G 1968, II, 15547, note Rabut).
La Cour d’appel de Paris a admis, à côté de l’obligation de moyens du médecin, une obligation accessoire de sécurité qui l’oblige à réparer le dommage causé à son patient par un acte chirurgical nécessaire à son traitement, même en l’absence de faute, lorsque le dommage est sans rapport avec l’état antérieur du patient et l’évolution prévisible de cet état (CA Paris, 15 juin 1999 : JCP G 1999, II, 10068, note Boy).
L’établissement d’hospitalisation (clinique privée, chirurgicale, obstétricale ou psychiatrique) peut être tenu, à côté de son obligation principale de moyens concernant les soins à donner au malade, d’une obligation de sécurité de résultat lorsque les soins relèvent seulement de la pratique courante hospitalière (T. civ. Marseille, 26 nov. 1953 : D. 1954, jurispr. p. 160. – T. civ. Toulouse, 7 nov. 1957 : JCP G 1959, II, 10972) ou lorsque l’accident s’est produit en dehors de toute participation active de la victime, soit en raison de son état (Cass. 1re civ., 3 oct. 1973 : Gaz. Pal. 1974, 1, jurispr. p. 118. – CA Aix-en-Provence, 20 déc. 1962 : Gaz. Pal. 1963, 1, jurispr. p. 339 ; RTD civ. 1963, p. 720), soit en raison du vice du matériel utilisé (Cass. 1re civ., 16 févr. 1970 : Bull. civ. I, n° 59).
Mais, il est généralement admis que l’obligation de sécurité, consistant pour la clinique à éviter que des accidents de quelque sorte que ce soit arrivent au malade, est une obligation de prudence et de diligence plus ou moins intense compte tenu de l’état mental ou physique du malade, de ses réactions présentes ou antérieures et qui doit être appréciée en fonction des données actuelles de la science et, spécialement en ce qui concerne les cliniques psychiatriques, des thérapeutiques laissant une liberté progressive au malade (Cass. 1re civ., 2 mars 1964 : Gaz. Pal. 1964, 1, jurispr. p. 304. – 17 janv. 1967 : D. 1968, jurispr. p. 357 ; Gaz. Pal. 1967, 2, jurispr. p. 139. – 26 janv. 1971 : Bull. civ. I, n° 28. – 16 nov. 1976 : Bull. civ. I, n° 345. – CA Lyon, 17 janv. 1974 : JCP G 1974, II, 17700, note R. Savatier).
Par ailleurs jugé qu’à l’occasion du contrat d’hébergement et de soins conclu avec sa cliente, une clinique avait contracté une obligation de prudence et de surveillance s’étendant notamment aux bijoux conservés par cette patiente pendant la durée d’une anesthésie totale (Cass. 1re civ., 19 mai 1992 : JCP G 1992, IV, 2047 ; D. 1993, somm. p. 213).

67. – Établissement hospitalier – L’établissement d’hospitalisation (clinique privée, chirurgicale, obstétricale, psychiatrique, maison de repos, institut médico-pédagogique, etc.) est tenu, en principe, en ce qui concerne les soins à donner aux malades (soins prescrits par le médecin ou prestations hospitalières et paramédicales), d’une obligation de moyens. En vertu du contrat d’hospitalisation liant le malade à l’établissement, ce dernier est responsable des fautes commises tant par lui-même que par ses substitués ou ses préposés qui ont causé un préjudice au patient (T. confl., 14 févr. 2000 : Petites affiches 26 avr. 2001, p. 12, note De Andrade ; RD sanit. soc. 2001, p. 85, obs. G. Mémeteau ; D. 2000, inf. rap. p. 138. – Cass. 1re civ., 26 mai 1999 : Juris-Data n° 1999-002097 ; JCP G 1999, II, 10112, rapp. P. Sargos ; Bull. civ. I, n° 175 ; D. 1999, jurispr. p. 719, note Savatier et somm. p. 386, obs. J. Penneau ; Defrénois 1999, p. 1334, obs. J.-L. Aubert ; RTD civ. 1999, p. 634, obs. P. Jourdain).
L’obligation de moyens s’entend d’une obligation de soins attentifs et consciencieux administrés au patient, en mettant notamment à son service des médecins pouvant intervenir dans les délais imposés par son état (Cass. 1re civ., 15 déc. 1999 : Juris-Data n° 1999-004439 ; JCP G 2000, II, 10384, note G. Mémeteau ; Bull. civ. I, n° 6, obs. G. Viney. – 18 juill. 2000 : Juris-Data n° 2000-002993 ; Bull. civ. I, n° 220. – Sur l’obligation de disposer d’un personnel ayant reçu une formation suffisante pour utiliser un équipement technique conforme aux données acquises de la science, Cass. 1re civ., 7 juill. 1998 : Bull. civ. I, n° 239 ; D. 1999, somm. p. 391, obs. J. Penneau).
L’obligation de moyens s’entend également d’une obligation de surveillance, en raison de la dépendance dans laquelle se trouve le malade (V. Faute, pour l’absence de surveillance d’un malade suicidaire, Cass. 1re civ., 18 juill. 2000 : JCP G 2000, II, 10415, concl. P. Sargos ; Bull. civ. I, n° 221. – 6 juin 2001 : Juris-Data n° 2001-010112. – Absence de faute d’une clinique accueillant un patient sans s’informer des antécédents psychiatriques le concernant, Cass. 1re civ., 3 mars 1998 : Juris-Data n° 1998-000946 ; JCP G 1998, IV, 19353 ; Bull. civ. I, n° 90).
Comme le médecin (V. supra n° 66), l’établissement d’hospitalisation est tenu d’une obligation de résultat en matière d’infection nosocomiale. L’établissement ne peut se libérer de cette obligation qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère (Cass. 1re civ., 29 juin 1999 : Juris-Data n° 1999-002690 ; JCP G 2000, I, 199, obs. G. Viney ; Bull. civ. I, n° 220 ; RTD civ. 1999, p. 841, obs. P. Jourdain).
Enfin le contrat d’hospitalisation et de soins liant le patient à l’établissement de santé met à la charge de ce dernier, sans préjudice de son recours en garantie, une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les produits, tels les médicaments qu’il fournit (Cass. 1re civ., 7 nov. 2000 : Juris-Data n° 2000-006732 ; Bull. civ. I, n° 279 ; Defrénois 2001, p. 268, obs. E. Savaux ; Contrats, conc., consom. 2001, comm. n° 4, note L. Leveneur ; Resp. civ. et assur. 2001, comm. n° 50, note H. Groutel ; RTD civ. 2001, p. 151, obs. P. Jourdain).