L’acétate de cyprotérone est officiellement indiqué chez la femme dans le traitement de certaines maladies hormonales qui se manifestent par une augmentation majeure du système pileux (hirsutisme), mais encore dans la prise en charge de la ménopause, des troubles menstruels et de l’endométriose, et chez l’homme pour certaines formes de cancer de la prostate. Il est également donné à des personnes transgenres afin de diminuer les hormones mâles.
L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) indique que les progestatifs Lutéran (acétate de chlormadinone) et Lutényl (acétate de nomégestrol) augmentent peut-être eux aussi le risque de méningiome, tumeur cérébrale le plus souvent bénigne.
On sait depuis plusieurs années que l’Androcur augmente le risque de développer des méningiomes, une tumeur au cerveau le plus souvent « bénigne » (pas cancéreuse) mais qui ne sont pas sans séquelles.
Une étude de l’ANSM et de l’Assurance maladie publiée très récemment, et ne portant que sur des femmes, a quantifié ce risque pour la première fois : il est multiplié par 7 pour les patientes traitées par de fortes doses cumulées plus de 6 mois et par 20 après cinq années de traitement.
Aujourd’hui, l’Agence nationale de sécurité du médicament a émis, des recommandations dans la prise en charge des patients auxquels on prescrit ce médicament…
« Ce médicament multiplie par 7 le risque de tumeur cérébrale au bout de 6 mois et par 20 au-delà de 5 ans de traitement. »
L’assurance maladie et l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) ont conjointement envoyé un courrier à plus de 80 000 patients, 30 000 médecins libéraux et 2 000 établissements de santé afin d’avertir des risques de tumeur cérébrale (ou « méningiome »), révèle Le Parisien. Une mesure exceptionnelle, qui n’a été prise que pour le Médiator et la Dépakine.
Nouvelles recommandations
A partir du 1er juillet, les patients devront obligatoirement signer un formulaire qui les informe des risques du traitement et leur sera systématiquement présenté par leur médecin. « Le prescripteur devra dire si le médicament est donné dans ou en dehors de l’autorité de mise sur le marché (AMM).
Désormais, une imagerie cérébrale par IRM devra être réalisée en début de traitement pour tous les patients. En cas de poursuite de traitement, l’IRM devra être renouvelée à cinq ans, puis, si tout va bien, tous les deux ans.
L’agence de santé indique qu’Il est également demandé aux médecins de contacter leurs patients actuellement traités par Androcur ou génériques pour réévaluer la nécessité de poursuivre leur traitement et envisager un contrôle par IRM si la poursuite du traitement est décidée,.
Par ailleurs, de nouvelles recommandations ont été énoncées. Les indications hors-AMM, telles que l’acné , seront désormais à proscrire. L’utilisation de l’Androcur chez l’enfant et la femme ménopausée n’est plus recommandée. La prescription du médicament devra aussi être réévaluée annuellement en tenant compte du rapport bénéfice / risque individuel et de l’évolution des symptômes, et les utilisations prolongées et à fortes doses sont maintenant plus envisageables.
Le problème est effectivement pris au sérieux car les conséquences chez certaines patientes sont extrêmement lourdes :
Le signalement de l’acétate de cyprotérone
Sur son site Internet, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) indique que, depuis 2009, « l’acétate de cyprotérone fait l’objet d’une surveillance particulière suite au signal émis par la France au niveau européen sur le risque d’apparition de méningiome. L’évaluation de ce signal par l’Agence européenne des médicaments (EMA) a conduit à faire figurer ce risque dans la notice du médicament en 2011″.
Une tumeur « bénigne » aux conséquences parfois très lourdes
Aux premiers symptômes, épilepsie, douleurs, migraines violentes, pertes d’équilibre, trouble de la mémoire, du langage… à l’intervention (trépanation), puis à la rééducation…la vie est entre parenthèse.
Les témoignages des patients sont édifiants :
« J’ai été opérée le 26 septembre 2016, poursuit Linda Le Gouic. On m’a retiré la tumeur. Quatre semaines d’hospitalisation, une interdiction de conduire pendant un an, un arrêt de travail de la même durée, des séances avec un orthoptiste… »
« À aucun moment, durant ces trente ans de traitement, mon médecin ne m’a avertie d’un risque potentiel, regrette-t-elle. Pourtant, mon neurologue m’a dit que cela faisait plusieurs années qu’ils alertaient les autorités sanitaires sur les effets secondaires. »
Linda Le Gouic a rejoint le groupe Facebook créé par une Rennaise (méningiome sous Androcur). « On se soutient. La prescription de l’Androcur est davantage contrôlée aujourd’hui, mais il n’est pas retiré. Il faut continuer la mobilisation, alerter les gens. »
« Mon médecin ne m’a jamais avertie d’un risque » : cette Bretonne a pris de l’Androcur pendant 30 ans. (Propos dans le journal Ouest-France 16.11.2018)
Ou encore, une femme à qui l’Androcur a été prescrit « de 1998 à novembre 2018 […] pour soigner une perte de cheveux » et a dû être opérée d’un volumineux méningiome en 2017. Elle souffre depuis de troubles de la vue avec difficulté pour conduire, maux de tête, pertes de mémoire, de l’odorat et du goût et incapacité à travailler à temps complet.
Mais encore « Au printemps 2016, sa vie bascule. Elle souffre de maux de tête, de vertiges, de problèmes moteurs qui ne cessent de s’amplifier. Elle met d’abord cela sur le compte de la fatigue, et puis en septembre, elle finit par consulter. À l’IRM, on lui trouve plusieurs méningiomes, dont un large de 6 cm. Il faut aussitôt opérer. Une trépanation, pour enlever derrière son œil une tumeur grosse comme une clémentine. Elle en garde aujourd’hui des séquelles, des maux de tête récurrents notamment. À ce jour, elle n’a toujours pas pu reprendre le travail normalement. Sa vie en a été durablement bouleversée.
Marie ne fait le rapprochement avec l’Androcur qu’en septembre dernier, c’est-à-dire deux ans après la découverte de ses méningiomes, quand d’autres femmes témoignent et donnent l’alerte.
Marie a pris de l’Androcur pendant dix ans, de 2006 à 2016. C’était son contraceptif, elle n’a jamais été informée du risque :
Androcur, pour moi, c’était juste une pilule, on ne m’a jamais dit que ça pouvait donner des tumeurs au cerveau.
En 2008, le risque était connu : un médecin, Sébastien Froelich, avait donné l’alerte à l’époque. À partir de 2011, la notice du médicament a d’ailleurs fait mention de cas de méningiomes. Mais le message est resté trop confidentiel, les patientes n’ont pas eu l’information, ce n’est que fin 2018 qu’une étude approfondie a mesuré le risque (très fort si les doses sont élevées et prescrites sur plusieurs années) et que l’agence du médicament a recommandé de limiter les indications et de surveiller les patientes par IRM. » (Propos recueillis sur France Inter 22.04.2019 par Véronique Julia journaliste).
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Le laboratoire Bayer avait réagi à l’évocation de cette étude en notant que « le risque de méningiome était connu et mentionné dans le RCP (document destiné aux professionnels de santé, NDLR) du produit depuis 2011 ». En 2017, 89.000 femmes ont pris ce médicament, selon des chiffres officiels. Il a été indûment prescrit notamment pour des pilosités modérées, une tendance à l’alopécie (perte de cheveux), des peaux grasses et acnéiques.
Me AMAR Corinne